It's the wrong time for somebody new [R.]

Ceux qui côtoyaient Clyde dans sa vie new-yorkaise auraient sans doute du mal à reconnaître le politicien ambitieux et implacable, toujours vêtu de costumes Paul Smith impeccablement coupés. L'été aux Hamptons le jeune homme sérieux à la réputation immaculée laissait place à son alter égo, beaucoup moins en contrôle de la situation, consommant alcool et femmes comme un étudiant. Malgré le fait que son épouse vaquait sûrement quelque part en ville. En réalité, il ne se souciait que trop peu des faits et gestes de Grace, sauf lors d'évènements mondains auxquels ils devenaient participer ensemble, comme le couple soudé et amoureux qu'ils n'étaient pas. Le reste du temps, Clyde s'adonnait au tennis avec des beautés longilignes à qui il ne faisait aucun cadeau (sauf si il avait dans l'espoir de les sauter prochainement), s'enfilait verre sur verre (toujours en très bonne compagnie) et passait parfois quelques coups de fils professionnels pour ne pas se laisser déborder lors de son retour en ville. En tout cas, il abandonnait le costume pour les tenues plus estivales et ne sortait nulle part sans ses lunettes de soleil hors de prix. Dire que Clyde appréciait le break estival était peu dire. Entre sa villa gigantesque gentiment léguée par sa mère à l'obtention de son diplôme en science politiques, sa peau dorée qui ne le rendait que plus attrayant et les femmes superbes à chaque coin de rue, les Hamptons étaient le lieu de villégiature idéal. Celui où la populace ne pullulaient pas, en plus. Ce qui était plutôt agréable, bien que le politicien n'était pas très regardant de ce côté là, tant que la femme en question avait un bonnet C et un visage parfait.

Il était quinze heures et le soleil tapait très fort. Clyde était allongé à son emplacement habituel sur un transat' moelleux, dévorant un exemplaire du Gai Savoir de Nietzsche. La soif finissant par le tirailler, le beau brun abandonna son philosophe, jucha ses lunettes de soleil sur son nez et se dirigea vers la Havana de sa démarche assurée et conquérante (comme si le monde entier lui appartenait) pour se rafraîchir. « Un mojito. » commanda-t-il sobrement de son habituel ton policé, serein et agréable. Un ton de politicien. Bien évidemment, Clyde avait oublié la politesse de rigueur, puisque le serveur était un homme. Il aurait fait un effort pour une femme séduisante, bien évidemment. Il savait être un véritable gentleman lorsqu'il le fallait. Sans même avoir à se forcer - il était bien élevé, tout de même.

Elisa aimait particulièrement passer ses étés aux Hamptons, et cela n’avait aucun rapport avec l’alcool qui y coulait à flots ni avec le nombre important de beaux mâles riches qui pouvaient s’y rendre en masse dès que la belle saison arrivait. Non, la seule chose qui intéressait Elisa, c’était les portes-monnaies bien remplis de ses messieurs-dames et le fait qu’il ne soit définitivement pas capable de vivre sans chantage et autres complots. Cela l’arrangeait bien du reste, sans eux, elle aurait été bien incapable de changer de voiture aussi souvent. L’actuelle, une mini cooper, était garée un peu plus loin. Elle avait pu se la payer intégralement avec l’argent qu’elle avait gagné de la part de sa dernière cliente : une jeune femme ambitieuse qui avait souhaité que son mari, déjà très vieux, voit la mort arrivée un peu plus vite à lui. Et à ceux qui s’étonnait de voir une simple serveuse comme elle avoir les moyens qu’elle avait, elle leur parlait rapidement de son merveilleux fiancé inventé de toutes pièces, il était beau, il était riche, il était toujours en déplacement et il lui avait acheté une bague hors de prix qu’elle ne se gênait pas pour exhiber en laissant échapper des rires stupides.

En cette belle après-midi, elle avait choisie de se rendre au Havana club. Ce choix bien sûr, elle ne l’avait pas fait au hasard, Elisa ne faisait jamais rien au hasard. Si elle était venue ici, c’était parce qu’elle espérait y voir quelqu’un en particulier, une personne dont on lui avait assuré que la présence dans ce coin là était tout sauf rare. Elle sirotait donc un mojito en observant les gens qui se présentaient par ici. C’était il y a quelques temps, elle ne savait plus dire combien de temps exactement mais ça n’avait pas d’importance, en tout cas une femme était venue la trouver. En général, Elisa aimait particulièrement quand c’était des femmes qui venait la trouver, la majorité d’entre elles étaient amenés par une seule et unique chose l’amour : que ce soit pour une vengeance ou par simple jalousie, c’était toujours l’amour qui guidait leurs actes. Cette femme-là voulait qu’elle tue son mari s’il venait à divorcer et en attendant, elle devait se rapprocher assez de lui pour le surveiller. Il n’avait pas fallu longtemps à Elisa pour comprendre qu’elle était complètement délaissée, c’était tellement drôle dans le fond. Pauvre chose. Lié sa vie comme ça à un homme et se retrouver à demander les services d’une tueuse, c’était pathétique. Néanmoins, comme Elisa était très professionnelle, elle s’était passée de tout commentaire et elle s’était contentée d’empocher l’avance qu’elle demandait tandis qu’elle écoutait ce qu’on attendait d’elle.

Il était près de quinze heures quand Elisa vit celui-ci qu’elle cherchait arrivée au niveau du club. Elle retint un fin sourire de contentement et ne bougea pas tout de suite. A ce qu’elle voyait, il était exactement comme on lui avait décrit. A tel point que même avant qu’elle ne l’ait abordé, elle ne souhaitait déjà qu’une chose, qu’il demande le divorce pour qu’elle puisse en finir au plus vite. L’homme qui se tenait non loin d’elle était tout ce qu’elle détestait et e plus, c’était un politicien. Elle l’entendit commander un mojito et regarda le serveur s’exécuter. Elle essayait de voir quelle était la meilleure tentative d’approche à utiliser avec lui cherchant une phrase intelligente à lui dire, une remarque pleine de sens. Mais, faute d’idée lumineuse, elle se contenta de se diriger vers lui d’une démarche un peu chancelante. Quand, par inadvertance, elle le bouscula, elle se mit à rougir et commença à se rependre en excuse. « Je suis vraiment désolé. Je suis tellement maladroite. Mais ce soleil m’aveugle, je ne vous avez pas vu. » Elle eut un petit rire nerveux et se passa la main dans les cheveux. Celle-ci rencontra alors ses lunettes de soleil, qu’elle rabattit sur ses yeux, c’était une manière de plus de montrer à quel point elle pouvait être gênée, tout du moins en apparence.

Clyde sirotait calmement son mojito, avec sa prestance et son élégance naturelle. Ses yeux couleurs aciers balayaient son environnement de la façon la plus détachée qui soit, s'arrêtant parfois quelques instants sur des courbes affriolantes ou une poitrine opulente ou... la couverture du foutu New York Times qui traînait un peu plus loin sur le bar. Durant ses vacances, le politicien essayait - en vain - de couper les ponts avec sa vie professionnelle histoire de pouvoir profiter du soleil brûlant et des filles qui ne l'étaient pas moins, peuplant les Hamptons avec un seul but en tête : se lâcher. Ce qui lui convenait plutôt bien. Néanmoins, la couverture du journal l'attira plus que de raison et Clyde s'en empara d'un geste sec et brutal. A la vue du titre, il déglutit péniblement et malgré son sang-froid légendaire, sentit sa carotide palpiter violemment à son cou. Il prit une profonde respiration, puis une autre, comme sa connasse de prof de yoga totalement timbrée lui avait appris. Du moins, avant qu'il ne la saute et ne la rappelle jamais. Il avait simplement voulu tester ce corps fin et très souple, en oubliant qu'il appartenait à une espèce de folle tendance new age. Etrangement, elle l'avait plutôt mal pris et l'avait incendié en pleine rue, quelques jours plus tard. Pourtant, Clyde ne lui avait rien promis. Jamais. C'était souvent un goujat, mais quand il n'avait pas besoin de mentir et promettre le grand amour éternel à une jeune fille un peu farouche pour qu'elle finisse par écarter les cuisses, il ne le faisait pas. Il n'était pas mauvais, il agissait seulement par nécessité. Et le sexe était la seule distraction qu'il lui restait, dans sa vie bien trop lisse à son goût.

Vu de l'extérieur, personne ne pouvait savoir que Clyde était à ce moment même en proie à une rage sourde tant il avait semblé calme et bien éduqué, comme à son habitude. Personne. Pourtant, ses yeux lançaient des éclairs tandis que le programme du gala de charité annuel des Fitzgerald était dévoilé. Qui prononçait le discours d'ouverture ? Son cousin, exemple pour l'Amérique. Non mais quelle vaste plaisanterie. Son père, son propre géniteur, lui avait préféré un demeuré congénital pour sensibiliser et convaincre un public érudit à sa place. Lui si doué pour haranguer les foules. Lui dont l'image et la réputation n'était plus à faire. Et bien non, ce gueux de la Côte Ouest et sa gentillesse dégoulinante raflait la mise. Ca faisait des années que son père éprouvait respect, admiration et confiance pour cet imbécile heureux alors qu'il ne semblait jamais prendre en considération les succès de son propre fils. Clyde aurait dû être habitué mais pourtant, ça le mettait toujours dans une rage folle. Et contenue. Dans ces conditions, une seule chose pouvait le détendre : le sexe. La vengeance attendrait son retour en ville. Et alors qu'il songeait à laquelle de ces délicieuses créatures aurait l'honneur de partager un peu de son temps, on le bouscula. Le politicien se retourna vivement, plantant des prunelles glaciales sur le / ou la maladroite, s'apprêtant à l'incendier copieusement. Néanmoins, Clyde se ravisa en dévisageant sans gêne la sublime jeune femme qui se trouvait devant lui. Petite, brune, un corps exempt de défaut et un visage harmonieux. Elle était à sa hauteur et très vite, son visage fermé et hautain prit une teinte beaucoup plus avenante tandis qu'un sourire désabusé - arme de destruction massive - prit possession de ses lèvres.

D'un signe de tête, Clyde lui montra le siège libre à ses côtés pour que la belle inconnue y prenne place. Il se donnait jusqu'à ce soir pour se la faire. Elle était timide et rougissante, une parfaite oie blanche. Ca ne devrait pas être compliqué de lui montrer un visage d'homme galant et charmant pour la faire succomber. Si il savait... Et puis, entre nous, elle ne l'avait bousculé que dans le but de l'approcher, n'est-ce pas ? C'était une façon très maladroite de procéder mais Clyde savait que sa prestance et son charisme pouvaient intimider même la plus jolie des plantes. Oui, il le pensait sincèrement. Tandis que la belle prenait place, le politicien ne la quittait pas des yeux, s'imprégnant de ses traits délicats... qu'il imaginait déjà modifiés par l'orgasme. « Ça n'est rien. » commença-t-il d'un ton feutré et séduisant, tout en ajoutant, avec une décontraction évidente et naturelle : « Acceptez de prendre un verre en ma compagnie et nous serons quitte. » Clyde fit signe au serveur de servir deux mojitos sans même attendre la réponse de la jeune femme, persuadé que son charme avait déjà opéré. Se retournant vers la jolie inconnue, il termina plus sobrement : « Je m'appelle Clyde et vous êtes ? » Bonne. Mais il préféra garder cette réflexion pour lui même.

Elisa avait eu le temps de voir l’air furieux de Clyde avant que celui-ci ne change l’expression de son visage. Visiblement, il la trouvait à son goût. Elle aurait du s’en réjouir parce que cela allait lui faciliter considérablement les choses ou encore se sentir flattée – quoique elle n’était pas sûre qu’être vue comme une proie sur le tableau de chasse de l’homme en face d’elle soit le moins du monde flatteur - mais elle en fut juste quelque peu agacé. Comme à chaque fois. Pourtant, elle ne laissa rien entrevoir de ce qu’elle pensait continuant de jouer la carte de la pauvre fille gênée et maladroite. On aurait pu croire qu’elle avait fait ça toute sa vie et c’était en effet un peu le cas. Tout du moins, une partie de sa vie. Au lycée, avant qu’elle ne devienne la fille bizarre et perturbée que tout le monde évitait, c’était comme ça qu’elle réagissait lorsqu’elle se trouvait face à quelqu’un qui lui plaisait et elle avait été surprise de constater à quel point cela marchait bien. A l’époque, elle se trouvait face à des garçons populaires qui se croyaient les meilleurs du monde et maintenant, c’était toujours un peu le cas. Dans le fond, ces politiciens et autres n’étaient que des lycéens avec seulement quelques années en plus mais qui n’avait pas mûri le moins du monde. Elle aurait bien partagé cette remarque avec Clyde mais elle n’était pas certaine qu’il aurait partagé son point de vu.

Elle se sentait tellement sotte là à entendre rougissante que ce monsieur veulent bien dire quelque chose qu’elle ne réfléchit pas du tout lorsque celui-ci lui indiqua le siège libre. Elle s’assit, prenant bien soin d’éviter son regard. Quelque chose lui disait que ça n’arrangerait pas l’ego du jeune homme. En effet, tout chez lui respirait la supériorité, de son attitude, à sa manière de parler. Enfin, elle n’était pas payer pour le remettre à sa place même si elle trouvait ça vraiment dommage. D’un geste peu sûr, elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille tandis que Clyde déclarait que cela n’était rien. Oui ça n’était rien, juste parce qu’elle était jolie et bien foutu, elle n’était pas sûre qu’il aurait réagit de la même manière si c’était Brenda, sa voisine à New-York, qui l’avait bousculé ainsi. En même temps, la pauvre fille n’avait rien pour elle, elle était petite, rousse et ronde avec un tout petit cul. Elisa ne comptait plus le nombre de fois où elle avait retrouvé la jeune fille en larme et où elle avait du la calmer. Elle trouvait ça dommage parce que Brenda avait quand même un joli visage, à sa façon, mais ce n’était pas ce que regardaient les types comme Clyde. Enfin bref, ça n’était rien et un vague petit sourire se peignit son visage. Elle pouvait reprendre un tout petit peu de contenance maintenant qu’elle était un tout petit peu rassurée.

« Acceptez de prendre un verre en ma compagnie et nous serons quitte. » On ne pouvait pas dire qu’il perdait son temps en tout cas. Elle voyait tellement clair dans son jeu que c’était comique. La seule chose qu’il voulait évidemment, c’était la sauter mais il n’aurait pas ce plaisir. D’abord parce que tout en lui l’horripilait et puis aussi parce qu’elle n’était pas certaine que sa femme apprécie qu’elle le surveille de cette manière là. Elle était tellement déranger que même si Elisa n’avait pas peur d’elle, elle se méfiait beaucoup. Avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre quoique ce soit, le serveur était déjà en train de servir deux mojitos. Elisa retint un soupir, elle n’aimait vraiment pas boire, même si c’était peu, elle avait toujours peur de ne pas garder bien les idées claires et de faire un faux pas. Elle n’avait pourtant pas vraiment le choix. Elle laissa échapper un petit nerveux et complètement niais avant de répondre d’un ton qu’elle voulait un peu timide. « Si on sera quitte après ça alors, je ne peux pas refuser. Mais pas plus d’un verre, je ne tiens absolument pas l’alcool. » Nouveau rire. Elle espérait seulement qu’il n’allait pas s’abaisser à a faire boire beaucoup juste pou avoir ce qu’il voulait. Même si, contrairement à ce qu’elle avait prétendue, elle tenait très bien l’alcool. Elle l’écouta se présenter rapidement et acquiesça seulement. Elle savait qui il était évidemment mais ça, il n’était pas censé le savoir. Elle savait d’ailleurs beaucoup plus de choses à son sujet qu’il ne pouvait le soupçonner. « Moi c’est Elisa. » Elle lui fit son plus joli sourire et replaça ses lunettes de soleil sur ses cheveux. Elle attrapa l’un des verres que le serveur venait d’apporter et en prit une gorgée. Elle aurait pu reprendre la parole, dire une ou deux banalités mais elle préférait que ça soit lui qui le fasse histoire de ne pas dire quelque chose de travers.

Clyde dévisageait les traits d'Elisa, tâchant de lire en elle comme dans un livre ouvert. Il était un excellent juge de la nature humaine, le savait, en usait et en abusait. Le politicien analysait les traits de son interlocuteur, sa gestuelle, sa façon de s'exprimer et enfin, ses mots. Il était de ceux qui connaissaient le poids et l'importance du langage du corps : les hommes en disaient bien plus sur eux-mêmes qu'ils n'en avaient conscience, avec de simples gestes inconscients. Décrypter ceux-ci était un avantage évident sur autrui. On le lui avait appris, lors d'un séminaire à Columbia. Un homme public se devait d'apparaître de la façon la plus agréable qui soit à ses interlocuteurs et pour ce faire, il lui fallait analyser ce que le public attendait de lui. Elisa était du genre vraiment très facile à décrypter. Soit elle avait du mal à se dissimuler, soit elle exagérait son rôle d'oie blanche, persuadée que les hommes adoraient ça, puisqu'ils pouvaient revêtir leur rôle de mec alpha protecteur. Ce n'était pas le cas de Clyde. Il préférait les femmes à fort tempérament, celles qui n'avaient pas peur d'être impertinentes et joueuses. Il aimait qu'on lui résiste. Mais à petites doses, évidemment. Son estime de lui même était bien trop élevée pour qu'il traque une vierge effarouchée trop longtemps. Callie avait été la seule exception et Clyde ne s'était jamais autant ennuyé qu'en sa compagnie. Cette gamine rêveuse à l'air craintif n'avait été qu'un vulgaire pari. Et pas franchement à la hauteur. Après des mois à lui faire la cour tel le héros de drame romantique qu'elle vénérait, elle lui avait enfin cédé, dans sa chambre d'ado. Dans une ambiance à gerber, entre parfum d'ambiance, bougies et musique classique, terrée sous ses draps clairs comme si elle était en partance pour l'abattoir.

Clyde avait besoin de passion et en général, ce genre de personne ne savaient pas la lui apporter. Mais contrairement à Callie qui avait un physique mignon mais banal, Elisa était sacrément belle. Et sa façon d'être gênée, maladroite et rougissante était nettement plus bandante que celle de Callie, tout bonnement agaçante. Le politicien jeta un coup d'oeil rapide sur sa main gauche. Avait-il bien songé à ôter son alliance ? Oui, c'était parfait. Clyde assurait à Marian ne pas porter son alliance à la plage, pour ne pas risquer de l'abîmer ou pire, de la perdre. Foutaises, bien évidemment. Il était bien plus délicat de séduire lesté de cet anneau. Aussi étrange que cela pouvait paraître, certaines femmes avaient assez de morale pour ne pas s'approcher d'un homme marié. Or, le politicien ne se considérait pas vraiment marié. Certes, sa vie était liée à celle de Marian pour la fin de ses jours ou presque, mais leur union était davantage un contrat comprenant des avantages certains pour eux d'eux qu'un engagement prouvant leur amour. Si Clyde avait dû lui jurer fidélité devant Dieu, il ne croyait ni en ce concept, ni en Dieu... alors bon. Et un politicien se devait de faire des promesses qu'il ne comptait pas tenir, n'est-ce pas ? Sinon, il n'était pas un réel homme public. Et Clyde briguait la Présidence, tout de même.

Reportant son entière attention sur Elisa et son corps bien fait, Clyde congédia rapidement le serveur d'un signe de main cordial mais sec dès lors qu'il eut posé leurs verres. Il avait bien repéré ses regards lubriques sur la brunette. Mais il n'était clairement pas à la hauteur, alors autant qu'il détourne le regard au lieu de se faire du mal. La réplique de l'inconnue eut le don d'arracher à Clyde un sourire en coin, relativement amusé. Le sous-entendu d'Elisa était palpable mais qu'elle se rassure, il n'était pas du genre à abuser de la faiblesse des femmes pour mieux les sauter. Il préférait qu'elles soient parfaitement conscientes et qu'elles se rendent bien compte du moment précis où elles lui cédaient, malgré leur morale, leur petit ami ou toutes les raisons idiotes qu'elles pouvaient bien s'inventer. « Pas plus d'un verre, c'est noté. Je ne voudrais surtout pas vous pousser à la consommation... » commença-t-il de sa plus jolie voix rocailleuse, ses yeux perçants plantés fermement dans les siens. Sa très légère esquisse ne semblait pas vouloir quitter ses lèvres, rendant son visage autoritaire et directif plus avenant. Clyde ne souhaitait pas la pousser à boire. Si elle ne tenait vraiment pas l'alcool, il n'avait aucune envie de la voir se ridiculiser, ou de devoir la soutenir jusqu'à un taxi. Ca n'était pas son objectif. La seule chose à laquelle il souhaitait la pousser, c'était au sexe, que ça soit clair. Sirotant lentement une gorgée de sa boisson - il ne voulait pas finir son verre trop rapidement et prendre le risque de laisser Elisa s'en aller bien trop rapidement -, Clyde dévisagea la jeune femme dont il venait d'apprendre le prénom, avant de reprendre naturellement la conversation : « Tu habites dans la région ? Je crois qu'en plus de quinze étés ici, c'est la première fois que je te vois. Et crois-moi, je m'en serais souvenu. » Le politicien avait décidé de continuer sur un ton plus badin et avenant, davantage propice aux rencontres que son ton policé et distingué avec lequel il s'exprimait dans la sphère professionnelle.