" Tu bouges ou bien ?! " [R.]

Arrêté à un feu rouge, Zach faisait vibrer le moteur de son spyder. Simple habitude pour lui puisqu'il ne cherchait pas vraiment à attirer l'attention sur lui. Bien que sa voiture le faisait déjà. Aux aguets, il attendait avec une impatience non dissimulée que le feu passe au vert. D'habitude, il aurait grillé le feu sans hésiter, mais on était en début d'après midi et la rue principale de la ville était remplie de touristes inconscients. Renverser un piéton aurait été une affaire bien délicate à faire taire. Rien d'autre.

Il profita de quelques instants pour regarder autour de lui, quand une autre sportive s'arrêta à sa hauteur. Le conducteur, lui aussi, faisait vibrer son moteur. Moteur que Zachary jugea trafiqué. Le son produit était bien plus grave que ce à quoi il s'attendait. Le jeune Koch jeta un regard au petit malin, un sourire au coin des lèvres. C'était un mec d'une vingtaine d'année, blond décoloré, qui à première vue était au moins aussi riche que lui, mais qui pourtant avait vraiment de sale goût. En plus d'être trafiquée, la voiture était ornée d'un motif tribal sur l'aile droite. Ringard à souhait.

Zach se désintéressa du conducteur, sachant déjà que son spyder lui mettrait deux cents mètres dans la vue en à rien de temps. Il voulait jouer ? Zach était sûr qu'il perdrait. A ce petit jeu, il était le plus fort sauf lorsque son adversaire direct était Connor. Il avait autant la pédale légère que lui et au moins c'était fun. Là, les choses étaient juste d'une facilité affligeante. Ce n'était pas une voiture tunée et trafiquée qui irait chercher les pointes de vitesse de son bolide.

De nouveau, ses yeux se rivèrent sur le feu. Juste assez de temps pour le voir passer au vert et lâcher la pédale de frein. Sa voiture fit un bon en avant, alors que ses pneus grinçaient sur l'asphalte. Lorsqu'il regarda dans son rétro, l'autre voiture était déjà bien distancée. Un sourire ravi illumina son visage. Sourire qui se crispa bien vite quand il s'aperçut qu'un piéton s'engageait sur la route alors qu'il arrivait à toute allure. Son pied écrasa le frein aussitôt, ses mains serrèrent le volant et de nouveau les pneus hurlèrent, imprimant leurs marques sur la route. La plupart des visages se tournèrent aussitôt vers lui alors qu'il appuyait violemment sur le klaxon. Il montra ensuite le chemin de la sortie à la blonde qui se trouvait devant le capot avec ses mains.

« Bah bouge ton cul ! » somma-t-il, en gueulant.

Spoiler:

Pause déjeuner. Le rêve. Aujourd’hui, Eileen n’en pouvait plus. A croire que tous les clients les plus chiants de la Terre s’étaient donné le mot. Les uns après les autres, ils s’étaient présentés à elle, ce matin-là. Et une fois de plus, elle avait du faire appel à ses forces intérieures les plus profondes pour ne pas perdre le contrôle de la situation. Dans ses rêves les plus fous, elle s’imaginait sauter par-dessus le comptoir pour les étrangler, et c’était jouissif au possible. Habitant assez près de la plage, Eileen rentrait chez elle chaque midi pour manger dans le calme et devant sa télévision. Une manière à elle de garder un lien avec la réalité et la cruauté du monde qui les entourait. Ici, rien ni personne ne semblait s’y intéresser. Pire, c’était tout juste s’ils en avaient conscience, perdus dans tout ce luxe et ces illusions princières. Lorsqu’Eileen regardait les programmes d’entre midi et une heure, elle voyageait dans son monde à elle, dans cette classe ouvrière qui l’avait vu naître. Et cela lui faisait un bien fou. Ce jour-là cependant, la demoiselle se laissa glisser dans son canapé et ferma les yeux quelques instants. Malheureusement, ces quelques instants devinrent très vite des minutes, plus des dizaines de minutes. Ce fut le vibreur de son téléphone qui la ramena sur Terre. Ce dernier, posé sous le coussin sur lequel reposait la tête blonde d’Eileen, la fit sursauter. Paniquée, elle consulta immédiatement l’heure et se rendit compte de son erreur : une heure de retard. Elle n’avait pas véritablement de patron, mais bordel, une heure en moins équivalait à une quinzaine de glaces perdues. Un désastre financier pour le petit bout de femme qu’elle était. La marque du coussin sur la joue, la demoiselle s’empressa de quitter son appartement, puis courut dans la rue. Une voiture arrivait au loin à une vitesse folle, mais elle n’avait pas une seconde à perdre. C’est pourquoi elle s’élança sur le bitume. Deuxième erreur de la journée.

Un crissement de pneus lui parvint aussitôt. Face à elle, à quelques centimètres de ses fines jambes, un spyder. A son bord, un mec comme les autres à Southampton, c'est-à-dire un fils à papa pourri gâté jusqu’à la moelle, orgueilleux, capricieux et persuadé d’être le roi du monde. Si la peur de mourir la posséda quelques instants, la colère prit rapidement sa place. Le fusillant du regard, Eileen l’écouta parler, un sourire moqueur sur ses lèvres. S’il pensait qu’elle allait obéir, il se trompait totalement. D’ailleurs, sans plus attendre, un grand sourire remplaça sa moquerie, et accompagna un geste des plus élégants : l’index de la demoiselle se leva. Mais elle n’en resta pas là : Eileen bossait certes pour tous ces riches, et était à leur service, mais son fort caractère ne s’était pas pour autant envolé. Ici, pour survivre, il ne fallait pas se laisser faire. Et c’est pour cette raison que le fou de la route ne lui marcherait pas sur les pieds. « Toi, la politesse ne t’écorche pas la bouche. Mon cul et moi ne bougerons pas d’ici. »

Eileen jouait avec le feu, elle le savait pertinemment bien. Il y a encore quelques minutes, la demoiselle culpabilisait de s’être assoupie et d’avoir du retard pour une si stupide raison. Désormais, cet abruti lui offrait ce qu’elle désirait le plus au moment actuel : une véritable excuse. Et puis, il l’avait provoqué, et il était hors de question qu’il remporte cette partie. Eileen ne sait pas dire non à un défi, et en voilà un de taille : clouer le bec à ce bourge écervelé. Vous avez raison, Eileen émettait bien trop de jugements hâtifs sur les habitants de cette cité balnéaire. Ce n’était aucunement de la jalousie, elle n’échangerait pour rien au monde sa place. A dire vrai, la seule raison à tout ce cirque était les caprices qu’on lui offrait sur la plage.

« Toi, la politesse ne t'écorche pas la bouche. Mon cul et moi ne bougerons pas d'ici. » Les yeux de Zachary s'écarquillèrent, étonnés par les propos de la jeune femme. Paradoxe quand on savait que quelques secondes plus tôt, il lui avait sommé de déguerpir. Zach ne s’embarrassait pas de politesse, pas pour une personne qu'il estimait coupable d'imprudence. « Pardon ? » Il se mit en point mort et se redressa sur le siège. A cet instant, il put discerner parfaitement les traits de la jolie blonde. Elle était plutôt jolie dans son genre, mais les vêtements qu'elle portait faisait nettement baisser la côte de la jeune femme. Une saisonnière. Oui, c'était sans doute ça. Zach resta un instant pantois , a observé la blonde farouche. Les mains posées sur le haut du pare brise, il la toisait. Voyant qu'elle ne répondait pas, il se permit de renchérir. « Tu te fous de moi là, non ? » Peut-être n'avait-elle pas entendu. Il releva les lunettes de soleil qui trônaient sur son nez, pour les mettre sur sa crête. « Tu te jettes sous mes roues et tu fais la maline ? Mon cul, ouais ! Tu vas vite bouger tes fesses de grognasse, c'est moi qui te l'dit ?! » siffla Zach, en s'installant de nouveau dans son siège en cuir. « J'ai pas que ça à foutre, bordel ! » Impulsif, le jeune Koch commençait sérieusement à s'énerver. Ce n'était pas temps l'adrénaline qui le poussait à agir ainsi mais bel et bien le fait, que la blonde venait de lui faire perdre son petit défi face au corniaud d'avant. Celui-ci passa d'ailleurs à toute allure à la gauche de Zach, en klaxonnant à son niveau.

Le jeune Koch tourna aussitôt son regard vers la sportive et tenta de mémoriser la plaque d'immatriculation de celui-ci. Il n'allait pas s'en tirer aussi facilement, mais pour l'heure, c'était cette stupide blonde qui allait payer les frais. Après tout, c'était elle qui avait déclenché ce sentiment d'humiliation qui faisait rager Zach. Il détestait ça, surtout quand c'était sur un terrain où il était le seul maître. Il suivit la sportive jusqu'au bout de la rue et reporta son attention sur la blondasse qui n'avait, soit dite en passant, toujours pas bouger d'un poil. « On va rester encore longtemps comme ça ? » Il était toujours au volant de son spyder et elle, toujours debout devant le capot. Et comme pour l'énerver un peu plus, la voiture qui se trouvait derrière lui, se mit à klaxonner aussi.

Réaction simple de Zach. Son majeur se leva en dessus de sa tête à l'attention du conducteur de derrière. Rien à foutre. Il n'allait pas s'écraser devant une blonde et encore moins devant une saleté de saisonnière.

Lorsqu’il lui demanda si elle se foutait de lui, elle ne put s’empêcher de lui lancer un sourire moqueur. Il était stupide, ou il le faisait exprès ? Avait-elle vraiment l’air de plaisanter ? Bien sûr que non ! A dire vrai, au fond d’elle, Eileen ne put s’empêcher de rire intérieurement mais elle était on ne peut plus sérieuse face à cet énergumène. S’il ne connaissait pas la politesse, elle allait lui apprendre. Il était tout bonnement hors de question de lui laisser gagner cette partie. Oui, pour la petite blonde, tout ceci s’était transformé en plateau de jeu sur lequel se trouvaient deux pions : eux. Et pour rien au monde elle ne le laisserait lui marcher sur les pieds. Bien décidée à prendre la situation comme un défi, elle s’approcha du spyder, laissa ses doigts se balader sur le capot puis planta son regard dans ceux du jeune homme. « Quitte à me faire renverser, j’aurais préféré que ce soit par une belle sportive. » C’est vrai quoi, c’était quoi cette horrible chose à part une ruine financière ? Vous l’avez compris, Eileen avait préféré jouer la sourde oreille, c’était tellement jouissif de le voir s’énerver de plus en plus et l’insulter.

L’air innocent, elle le regarda vociférer. Puis, il fut distrait par un bolide qui passa à leurs côtés. Eileen n’était pas idiote et comprit bien vite ce qui venait de se jouer sous ses yeux : une course que menait ce sale con avant qu’Eileen traverse la route. Bien contente de l’avoir fait perdre – sa vengeance était en quelque sorte réalisée sans qu’elle ne lève le petit doigt –, la petite blonde décida, cependant, de ne pas en rester là. S’asseyant cette fois-ci sur le capot du bolide, elle croisa les bras sur sa poitrine puis fit glisser ses lunettes de soleil de sa tête jusqu’à son nez. « Je ne sais pas. » répondit-elle, d’une voix suave. Pour la première fois depuis quelques minutes, Eileen daigna répondre à une question de ce fils à papa. Mieux, elle semblait même décidée à tenir une conversation. Elle ne lui laissa guère de répliquer. « Disons… le temps qu’il faudra pour qu’une grognasse apprenne la politesse à un sale con. La pauvre, elle a du travail, c’est moi qui te le dis. » En fait, tout ce qu’elle désirait, c’était des excuses pour avoir failli la renverser – précisons tout de même que la vitesse décente était clairement dépassée voire explosée, il avait tous les torts – et l’avoir traité de la sorte. Qu’un bouchon se forme derrière eux ne l’intéressait alors plus du tout. « Et encore, ça pourrait prendre le double de temps si la grognasse avait décidé de s’attaquer aussi au Code de la route. Sa bonté la perdra. Estime-toi chanceux. » Levant la tête vers le ciel, elle ferma les yeux quelques instants. Oh que c’était bon. Un rire s’échappa légèrement de la bouche de la demoiselle, qui attendait désormais une réaction de l’homme.

« Quitte à me faire renverser, j'aurais préféré que ce soit par une belle sportive. » Oh mon dieu. Osait-elle vraiment attaquer Zachary sur sa voiture ? La jeune blonde s'engageait sur une mauvaise pente. C'était d'ailleurs déjà visible. Le visage de Zach se crispa en une espèce de moue hallucinée et stupéfaite. Mais en plus de parler de voiture comme si elle s'y connaissait, le jeune Koch ne manqua pas de remarquer que ses doigts salissaient le capot de son bolide. Zach se racla la gorge. « Déjà d'une, dégage tes sales pattes de mon capot. » Il la fixait. En s'attaquant à sa voiture, la blonde avait posé le doigt sur une partie sensible. « Et de deux, tu y connais quoi aux voitures ? Toi qui roule sûrement dans un vieux tacot pourri ? » Et bah oui, elle y connaissait quoi pour insulter son spyder ? C'était un petit bijou et même une pure sportive était loin d'avoir la classe devant sa lamborghini. L'attachement pour sa voiture était réelle Certes, c'était un peu cliché mais jusqu'à maintenant, c'était une des seules choses qui savait lui rendre son affection. De plus, elle signifiait sa réussite scolaire. Zach avait beau être un fils de riche, il n'en demeurait pas moins un garçon intelligent. Sa place à Harvard, il avait au moins le mérite de l'avoir gagné seul. Sa Lamborghini en avait été la récompense et c'était bien pour ça qu'il y tenait tant.

Tandis qu'il observait sa concurrente disparaître sur le bitume, la blonde en profita pour poser ses miches sur le capot. Zach détourna son regard vers son interlocutrice, haussant un sourcils. Il allait, une fois de plus, lui demander de dégager mais, elle fut plus rapide. « Disons... le temps qu'il faudra pour qu'une grognasse apprenne la politesse à un sale con. La pauvre, elle a du travail, c'est moi qui te le dis. » Un sourire se figea sur les lèvres de Zach qui l'écoutait parler. Il le savait, elle attendait des excuses. Seulement, elle pouvait toujours attendre. Zach était loin d'être de ceux qui s'excusaient pour un rien et encore moins pour une chose dont il savait pertinemment n'être pas coupable. « Politesse ? Qu'est-ce que c'est ? » Il haussa un sourcil, amusé. « Ta position favorite ? » Les voitures klaxonnaient toujours derrière et elle ne faisait qu'augmenter la colère et le dédain de Zach envers la blonde.

Le jeune Koch se réinstalla en volant de son bolide, prenant conscience qu'à présent, la blonde n'était plus devant la voiture. Il pouvait donc déguerpir, sans la renverser. Parfait. Sa tête se décala au-dessus de la portière et il se mit ouvertement à rire face au propos de l'ingrate. « Amen. On devrait appeler le vatican pour ta si bonne grâce ! Nom de dieu ! » Il secoua la tête. « Tu sais où tu te le met ton code de la route ?! J'en ai mais, alors strictement rien à foutre. Et encore, je suis gentil. Et même si je t'avais renversé, je t'aurais graissé la patte avec une bonne liasse de billet et basta. » Il appuya sur la pédale d'accélérateur, ce qui fit vibrer le moteur. « Ca t'aurait permis d'aller d'acheter des vêtements décents au lieu d'aller dans la friperie du coin. Pathétique. » Et il abaissa le frein à main, énervé.

L’attaquer sur son bolide était une provocation inutile, certes, mais tellement jouissif pour Eileen. Elle n’avait pas pu s’empêcher, c’était plus fort qu’elle : on la cherchait, elle continuait encore et encore, osant tout et n’importe quoi. Le problème, c’était que cela lui causait bien souvent des ennuis supplémentaires. Elle se mettait souvent dans de beaux draps, mais qu’importe, à chaque fois, c’était pareil, elle recommençait, encore et encore. Parce que c’était un jeu excitant, tout simplement. Bon, un jeu surtout incompréhensible pour son entourage, qui ne comprenait pas pourquoi elle s’entêtait à agir ainsi avec les habitants de Southampton. Mais c’était comme ça. Persuadée de pouvoir montrer que l’argent ne faisait pas des rois, Eileen s’emportait facilement, non pas en puissance de la voix, mais en défis qu’elle se lançait. Et tant pis si cela faisait mal : elle assumait toute conséquence. « Je crois que tu remportes la palme de la susceptibilité. » lui répondit-elle, levant les yeux au ciel, un sourire moqueur sur les lèvres. « Oh, et pour ton information, je suis plutôt transports en commun, tu vois. Enfin non, que dis-je, tu ne vois pas. Mais bref, l’écologie, tout ça, tu devrais te renseigner, c’est sympa. » Ses propos étaient ponctués de moqueries en tout genre, mais une fois de plus, Eileen n’avait pas peur du danger.

S’installant sur le capot du bolide, la blondinette aggrave son compte, sans vraiment s’en rendre compte, même si elle l’espérait au fond d’elle. Comment allait-il réagir ? Mal, sans aucun doute. Une pauvre femme comme elle avait osé poser ses fesses dessus, c’était la fin du monde. Les provocations fusaient des deux côtés, et il fallait l’avouer, Eileen aimait le jeu qui s’était installé entre eux. Cela l’amusait. En était-il de même pour l’homme ? Rien n’était moins sûr. « Exactement. Je t’aurais bien proposé de te montrer mes talents en la matière, mais on sait tous les deux que tu n’oserais jamais dire oui. » A dire vrai, il lui aurait volontiers refusé la proposition pour la simple et bonne raison qu’il n’éprouvait pas d’envie en son égard. C’est pourquoi elle prit les devants. De toute façon, tout n’était que provocation : lui, elle, et tous ces klaxons qui retentissaient derrière eux. « C’est dommage d’ailleurs, la colère, la tension… ça fait vite monter la température, ça aurait été bestial, c’est moi qui te le dis. » lui dit-elle, ensuite, d’un ton caressant, mielleux, voire même séducteur. Voulant aller jusqu’au bout de la chose, elle ajouta. « Tu as déjà fait l’amour dans ton bolide ? » le questionna-t-elle, d’un ton innocent. Ce n’était pas de la curiosité mal placée, loin de là, juste une envie de lui montrer qu’il avait affaire à quelqu’un du bas monde, certes, mais quelqu’un qui n’avait pas peur aux yeux.

« J’ai toujours rêvé de rencontrer le pape, fais donc. » répliqua-t-elle, un sourire sur les lèvres. Les propos qui sortirent ensuite de la bouche de Zachary énervèrent la demoiselle, qui tenta de cacher cette colère naissante. « Tu crois sérieusement que tu peux m’acheter avec ton argent ? » le questionna-t-elle, le fusillant du regard. « Le monde ne t’appartient pas, redescend sur Terre. » Il l’attaqua ensuite sur ses vêtements. Cette fois-ci, un sourire réapparut sur le visage de la demoiselle. « M’attaquer sur mes vêtements. Serais-tu à court d’idées pour me provoquer ? »

« Oh, et pour ton information, je suis plutôt transports en commun, tu vois. Enfin non, que dis-je, tu ne vois pas. Mais bref, l'écologie, tout ça, tu devrais te renseigner, c'est sympa. » Cette fois-ci, c'est Zachary qui afficha un sourire moqueur. Elle parlait écologie, un sujet que le jeune Koch connaissait plutôt bien et pour cause, sa mère était une partisante des causes écologistes. Il avait bien souvent eu droit aux remontrances de sa mère mais n'en avait eu que faire. Pour lui, les choses étaient claires. La plupart des gens qui se disaient écologiste, ne l'étaient qu'à demi-mesure, simplement pour se donner bonne conscience et rien d'autre. Sa mère, également. La blonde devait sûrement être de ce genre. Zachary soupira. « Tu me prends pour un abruti fini ? Et plutôt que de parler d'écologie comme si tu étais vraiment soucieuse de ces choses-là, demande toi si vraiment tu fais dans l'écologie. » Il garda son regard fixé sur la blonde. Ce n'était plus vraiment le fils à papa qui parlait mais bel et bien, le jeune étudiant qu'il était et qui savait pertinemment comment se positionner dans une telle conversation. « Tu prends les transports en commun et tu te dis écolo ? A ma gouverne, ils ne sont pas encore électriques. Pourquoi tu ne prends pas ton vélo à la place ? Mais ça c'est autre chose. Tu es comme tout ces stupides politiciens qui se disent écolo, mais qui au fond n'en ont strictement rien à foutre. » Il secoua la tête. Et elle osait lui dire de se remettre en question ? Elle n'était pas mieux placée que lui. Peut-être que oui, il avait de l'argent à ne plus savoir quoi en faire, mais au moins, il ne se cachait pas derrière un masque de bonne parole simplement pour faire rager l'autre. C'est-ce que la blonde faisait et c'était pathétique.

Mais elle continua dans ses provocations stupides. « Exactement. Je t'aurais bien proposé de te montrer mes talents en la matière, mais on sait tous les deux que tu n'oserais jamais dire oui. » Les choses auraient pu être intéressantes, si cela avait été une autre personne qu'elle. Zach l'écouta parler, ne relevant rien. Il attendait le moment propice pour porter un coup d'estoc. Il en avait assez de jouer avec elle et ne s'en amusait plus. Il ne s'en était, d'ailleurs, jamais amusé. Elle avait tout de la chieuse, désireuse d'avoir raison, mais elle était tombée sur quelqu'un d'aussi buté qu'elle, Zach. Le jeune Koch tenta de faire le vide, mais la blonde le rappela à l'ordre en lui posant une question indiscrète. « Tu as déjà fait l'amour dans ton bolide ? » Un sourire se dessina sur les lèvres de Zachary. Si elle souhaitait le gêné, elle avait visé à côté. Il était assez ouvert d'esprit et libre pour parler ouvertement de ce genre de choses avec une inconnue. Il reluqua de façon explicite la blonde. D'abord ses seins. « Mmh .. 95B, peut-être ? Voir du C. » Puis il descendit plus bas, sur ses hanches. « Courbes bien dessinées. » Pour finalement arrêter ses yeux aux abords de la ceinture. « Mouais. » Son sourire parut s'agrandir. « Et toi ? Tu t'es déjà fait prendre sauvagement ? Je peux toujours t'offrir une bonne partie de jambe en l'air, on dira que c'est une compensation pour m'avoir fait perdre ! » rétorqua-t-il, alors qu'il se mit à imaginer la blonde venir le chevaucher à la place du conducteur. Mais se rendant compte, qu'il changeait considérablement d'attitude face à elle, il secoua la tête, chassant ses pensées personnelles. Il reprit une attitude provocatrice envers elle. « Bon ! Soit tu viens et on baise derrière, soit tu dégages de ma voiture et je te ferais l'honneur de ne pas tenir compte de tes propos, ni même du cul que tu as posé sur mon capot. » Il remit ses lunettes de soleil sur son nez et fit vibrer le moteur de sa voiture, prêt à déguerpir « Alors ?! »

Mauvaise idée d’évoquer l’écologie, voilà que Zachary semblait s’amuser de la réplique d’Eileen. Une chose est sûre : ce n’était pas lui qui était calé dans le domaine, au vu du bolide qu’il conduisait. La blondinette ne perdit pas de temps à lui répondre, à quoi bon ? Elle préféra se laisser tomber dos contre le capot du véhicule, puis ferma les yeux. Les mots qui franchissaient les lèvres de Zachary semblaient désormais lui parvenir de loin. L’indifférence, l’une des attaques les plus mauvaises. Une légère marque de faiblesse, une absence d’arguments, mais qu’importe. Le jugement que portait le jeune homme à son égard lui importait peu : seul celui de ses proches comptait pour elle. Cependant, Zachary remonta très très légèrement dans son estime, il était plus intelligent qu’il en avait l’air. Mais n’allez surtout pas croire que sa vision des habitants de Southampton avait changé, loin de là.

Eileen décida d’attaquer d’une toute autre manière. Bien décidée à pourrir la vie de Zachary un court instant, elle le questionna sur sa vie sexuelle. Une pointe de curiosité, mais surtout un réel envie de le déstabiliser. Impatiente de connaître la réponse, elle se releva, et se tourna vers lui. La réaction ne se fit pas attendre. Il entra dans le jeu d’Eileen. Décidemment, tout deux étaient bien décidés à avoir le dernier mot, la partie était loin d’être gagnée. Et au point où ça en était, la plaisanterie semblait s’envoler au fur et à mesure que les minutes s’écoulaient. Il fallait dire que leur entêtement n’était plus amusant. Pourtant, aucun des deux n’arrêtait leur petit manège. Elle ne releva pas les premiers propos de Zachary concernant son corps. C’était un homme, leur vision de la morphologie des femmes était particulièrement développée. Leurs connaissances en la matière n’avaient guère de limite : pour cause, la plupart d’entre eux passaient leur temps à regarder ici et là les formes des demoiselles qui passaient devant leurs yeux. Pathétique, n’est-ce pas ? Au mieux pour eux, c’était au lit qu’ils développaient ces compétences. Mais en avaient-ils de quoi être fiers ? Sans doute pas.

La suite de la conversation fit arquer un sourcil d’Eileen. Il allait bien plus loin qu’elle, et ne semblait guère avoir de limites en la matière. Voilà que Zachary lui faisait carrément une proposition. Quittant le capot pour faire face au bolide, la blondinette croisa ses bras devant sa poitrine, et planta son regard sur l’homme. « Tu crois sincèrement que je suis intéressée par une baise avec toi ? Non, mais sérieusement ? Il faudrait que je sois la fille la plus désespérée de la ville pour accepter une telle proposition. » répliqua-t-elle, cette fois, agacée. Plutôt crever que de coucher avec un tel homme, mais elle se garda bien de lui dire.

Soudainement, Eileen se rappela ce qu’elle était en train de faire avant de rencontrer Zachary : partir travailler, et tenter de rattraper son retard. Inutile de préciser qui lui était désormais impossible d’y parvenir. Zachary lui avait pris quelques dizaines de minutes qui lui auraient été précieuses. Mais soit, elle l’avait cherché, après tout, et n’avait pas dit non à un petit jeu avec lui. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. « Je suppose que nous allons vite nous recroiser. Malheureusement. » se contenta-t-elle de lui dire, lui faisant ainsi comprendre qu’elle était pressée et occupée. Prête à tourner le dos pour rejoindre la plage, elle planta une dernière fois son regard dans celui de Zachary, ses iris tels des fusils.

« Tu crois sincèrement que je suis intéressée par une baise avec toi ? Non, mais sérieusement ? Il faudrait que je sois la fille la plus désespérée de la ville pour accepter une telle proposition. » Zach se mit à rire, amusé par les propos de la blonde. Puis, il haussa des épaules, désinvolte. « Ce n'est pas toi qui à proposer la première ? » Il arqua un sourcil. Après tout, c'était elle qui l'avait lancé sur ce sujet et sans doute, s'en mordait-elle les doigts maintenant que Zachary prenait le dessus. Mais malgré ce qu'il pouvait laisser entendre ou même voir, sa proposition n'avait pas été faite dans le vent. Jamais, il n'aurait dit non à une bonne partie de jambe en l'air. Pas même avec elle, qui pourtant était loin d'avoir la classe suffisante pour ça. Mais c'était une paire de fesse comme toute les autre alors il aurait volontiers fermé les yeux, tout en la chevauchant.

Il secoua la tête. S'il l'avait cru ouverte d'esprit, Zach se rendait maintenant compte que ce n'était absolument pas le cas. Elle venait de rejeter sa proposition. Tant pis pour elle après tout, elle ne savait pas ce qu'elle loupait. Son spyder avait de beaux sièges moelleux à souhait, qui ne demandait qu'à l'accueillir. Soudainement et alors qu'il s'apprêtait à renchérir, elle parut se souvenir de quelque chose. Zach remarqua facilement les traits du visage de la blonde qui venaient de se crisper, comme si quelque chose lui avait sauté à l'esprit. « Je suppose que nous allons vite nous recroiser. Malheureusement. » Bingo. Elle dégageait la piste. Zach poussa un soupir de soulagement. « C'est pas trop tôt, tu te décides à bouger ton cul ! » Il regarda sa monte. Dix minutes. Il avait perdu dix minutes avec cette cruche. Dix minutes inutiles puisqu'il n'avait pas conclu l'affaire par un contrat coquin. « Mouarf. Je suppose que oui. Malheureusement. » Soupira le jeune Koch. Il avait le pressentiment qu'il la rencontrerait plus vite que prévu. Il le sentait.

Finalement, il appuya de nouveau sur la pédale d'accélérateur, tout en gardant son autre pied sur le frein, ce qui eut don de faire fumer les pneus. Il jeta un dernier coup d'oeil à la blonde et lui lança tout sourire, dans une ultime provocation. « Si jamais tu t'aperçois d'un petit bobo, appelle l'avocat des Koch, maître Greyson. Il se fera une joie de te recevoir. » Il lui adressa un signe de tête entendu et lâcha la pédale de frein. Le spyder du jeune Koch fit un bond en avant et il fila sur l'asphalte. Comme si rien ne s'était passé alors qu'une dizaine de voitures avaient crée un embouteillage derrière lui.

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