I hate everything about you [R.]

Il était un peu plus de trois heures du matin et Bonnie avait enfin fini sa "journée" de travail. Si ses amis savaient ce à quoi consistait réellement son job, ils n'auraient sans doute pas compris. Le simple fait qu'elle travaille leur arrachait déjà un sourire amusé. Oui, dorénavant que sa mère était entrée dans le livre des records grâce à la plus grosse somme jamais amassée au loto aux Etats-Unis, elle n'avait pas besoin de se tuer à la tâche tous les étés. Mais elle y était habituée. Et surtout, Bonnie se refusait à toucher cet argent plus que de raison. Elle avait toujours détesté le fric à outrance, l'opulence et toutes ces conneries de société de consommation. Ca la rendait malade. Elle, elle travaillait dur pour subvenir à ses besoins, mais c'était tout. Bonnie avait reçu une éducation exemplaire et connaissait la valeur de l'argent. Elle n'était pas et ne serait jamais du genre à le jeter par les fenêtres. Contrairement à sa mère, qui depuis son gain avait sombré dans une vulgaire caricature d'elle même. Derrière ses lèvres refaites, ses seins énormes et ses robes tapageuses, Bonnie ne parvenait pas à reconnaître sa génitrice et préférait rester loin de son univers superficiel. Par exemple, elle n'habitait pas dans l'immense villa que sa mère avait acheté. Non, elle préférait rester dans leur petite maison de Shinnecock. Celle qui l'avait vue grandir. Celle qui ne payait pas de mine mais qui avait le mérite d'être vivante et conviviale. Le contraire de cette immense villa sortie tout droit d'une revue de décoration intérieure (à condition d'aimer les canapés zébrés et les dessus de lit panthère). Bref, une horreur.

C'était la raison pour laquelle elle continuait à travailler : ne rien devoir à sa mère qui insistait déjà bien assez pour offrir un nouveau nez à sa fille unique, en plus d'une garde robe plus avantageuse. Bonnie se contentait de lever les yeux au ciel. Elle était bien mieux dans ses basiques que dans des robes haute couture dont elle ne connaissait même pas la marque. Certes, elle aurait sanas doute pu continuer à servir au restaurant, certes. Mais le club de strip-tease payait bien mieux. Oh évidemment, c'était un job détestable et très éloigné de ce qu'elle était. Mais jouer à la femme fatale et inaccessible alors qu'on était qu'une gosse coincée dans un corps d'adulte, ça avait son lot de divertissement. Si l'on oubliait la clientèle odieuse qui pensait que se payer un show privé leur offrait un libre-accès à son vagin, c'était supportable. Sortant par l'arrière du club, Bonnie n'avait pas pris le soin de se démaquiller complètement. Elle s'était contentée d'enfiler son short en jean élimé et son débardeur blanc à la va-vite et de retirer cette perruque rousse encombrante. Elle était fatiguée et n'avait qu'une hâte : rentrer chez elle. Et dormir, bordel. Ce soir là, un homme plus agréable que la plupart lui avait payé un nombre de verre incroyablement élevé et bien que normalement, elle n'était pas censée les accepter, Bonnie les avait tous sifflés. Ca rendait le tout plus supportable. Malheureusement, sa résistance à l'alcool étant moindre, la jeune femme avait l'impression que la route tanguait et sa démarche devait être aussi distinguée que celle d'un Jack Sparrow au meilleur de sa forme. Alors qu'elle remontait la rue principale, les yeux gris de Bonnie eurent l'immense honneur - ironie - de tomber sur la silhouette de Brady, qui sortait de l'établissement.

Tiens, il avait été là, lui ?! Génial. Brady était de loin le type le plus détestable de tout Southampton. Il le savait et s'en réjouissait, en plus. Bonnie hésita à passer près de lui, sachant que sa grande gueule aurait du mal à la fermer. Néanmoins, elle prit son courage à deux mains et le dépassa à la vitesse de l'éclair, tout en chancelant quelque peu. Et Brady ne dit pas un mot, miracle. Enfin, ce fut avant qu'elle se rende compte qu'elle avait semé son sac en route. Laissant échapper un juron distingué, Bonnie fit volte-face et adressa un grand sourire ironique à Brady tandis qu'elle se baissait pour ramasser son sac. Et sa dignité qui avait dû se faire la malle en route. Sa tête tournait affreusement et la blonde n'était pas franchement prête à supporter les piques incessantes de Brady...